Tout le monde l’a bien compris, le tourisme est responsable d’un certain nombre d’effets néfastes, et sans que la liste soit exhaustive, on trouve parmi les plus cités la pollution de la planète par le transport, et notamment l’avion, la destruction du littoral pour bétonner des hôtels, la fuite d’une population locale au profit de centres touristiques, la sur-fréquentation de lieux autrefois paisibles, etc. Pour autant, peu nombreux sont les voyageurs qui ont l’intention de réellement abandonner le voyage et le tourisme. Les agences de voyages, tour opérateurs, réceptifs et prestataires se positionnent comme ayant une démarche responsable, durable, parfois même humanitaire, parlant de sur-compensation carbone parfois. Est-ce crédible ? N’y a-t-il pas un peu de greenwashing ici ? Ne se déculpabilise-t-on pas trop rapidement en versant quelques euros à une fondation pour replanter des arbres ? N’est-ce pas une belle dissonance cognitive que l’on ne saurait s’avouer ?
Olivier Charmes et Aurore Guinet ont réalisé les différentes interviews de ce podcast.
Concevoir son voyage autrement
De nouvelles tendances apparaissent pour pallier ces problèmes, et une génération naissante de professionnels et de voyageurs décide de voyager différemment. L’association POW (Protect Our Winters) prône le « backyard adventure » : inutile de parcourir de longues distances pour vivre une aventure.
« Même quand on est dans de grands centres urbains, on se rend compte qu’il y a la possibilité de fréquenter la nature de manière assez proche à partir du moment où on s’y intéresse un petit peu »,
…nous confie Antoine Pin, le directeur de la branche française de l’association.
Certains professionnels ont décidé de désintermédier le voyage, en mettant directement le client en relation avec l’agence locale, privilégiant l’emploi local. Samy Bailly, directeur des partenariats avec les agences locales chez Evaneos explique :
« On est sur un modèle qui répartit la valeur différemment, au bénéfice des agences locales. Dans le tourisme traditionnel, on a une agence de voyage qui va prendre 10% à 15% de la valeur et un tour opérateur qui va reprendre 20% de la valeur. In fine, il y aura 65% de la valeur qui arrivera au réceptif. Sur le modèle Evaneos, on prend seulement quelques pourcents de la valeur du voyage et l’immense partie de cette valeur est captée par l’agence locale ».
Connaître son impact pour mieux le limiter
De son côté, Stanislas Gruau, co-fondateur d’Explora Project a décidé d’être transparent vis-à-vis de ses clients, en notant ses voyages selon le dégagement de CO2 produit, depuis le trajet domicile-destination du voyage, en passant par la quantité de gaz qu’il faut pour chauffer l’eau des pâtes pour le dîner, et le type d’hébergement choisi. Le résultat est un classement qui interdit de proposer des voyages au-delà d’une certaine quantité de CO2, notamment en se limitant « au moyen-courrier, soit 3h30 au départ de Paris » précise Stanislas Gruau.
« Pour nous, l’environnement, c’est pas de la philo, ce sont des maths. C’est un impact carbone qui doit être calculé sur chaque action de notre quotidien. »
Bruno Maltor, blogueur de VotreTourDuMonde.com, qui fédère plus d’un million de personnes sur l’ensemble de ses réseaux sociaux, privilégie la pédagogie à la culpabilisation :« Qui suis-je pour juger des gens qui vont partir en avion une semaine au Japon ? J’essaie de favoriser une prise de conscience, sans rabâcher ».
Moins prendre l’avion… La seule solution ?
Antoine Pin pense, de son côté, que c’est la fréquence à laquelle nous voyageons qui est en cause, pas le fait de voyager en long courrier :
« Pour pouvoir respecter les accords de Paris, les émissions carbone individuelles d’un citoyen devraient équivaloir à 2 tonnes de CO2 par année. Un aller retour au Japon en avion, c’est déjà ces 2 tonnes-là. Ce n’est pas l’aller et retour au Japon en lui-même qui est problématique, c’est la fréquence à laquelle on va le faire. On a une industrie qui nous encourage, mois après mois, année après année, à multiplier ces voyages alors qu’on a des destinations accessibles chez nous ou à côté, par d’autres moyens de transport, ça devient plus problématique ».
Alors si le transport est le premier coupable, comment y remédier ?
Des initiatives pour tendre vers le “zéro carbone”
« Les technologies qui permettent d’avoir un transport aérien sans émission de CO2 ne sont pas disponibles. Et elles ne le seront pas avant 2035, 2040 »,
nous explique Laurent Donceel, directeur du programme Destination 2050. Cette initiative réunit des acteurs européens de l’aviation (compagnie aérienne, aéroports, industriels et constructeurs) et a pour but de parvenir à zéro émission de CO2 d’ici à 2050 pour les vols à l’intérieur ou en partance de l’Union Européenne.
« On veut que les gens prennent l’avion, partent en vacances sans sentiment de culpabilité. Et c’est là que c’est important d’avoir plus de transparence et de communiquer mieux sur ces initiatives, sur le développement de ces nouveaux produits, sur cette ouverture à un nouveau marché qu’est celui du tourisme durable. »
Même chez les acteurs plus traditionnels, on réfléchit aux améliorations de l’existant. Virginie Florin, responsable du RSE chez Kappa Club, nous détaille sa charte « tourisme responsable », qui précise notamment :
« on supprime le plastique à usage unique d’ici deux ans, 100% de nos hôtels recycleront les eaux usées, 80% de l’alimentation est bio et en circuit court (etc.) ».
Toutes ces initiatives sont-elles suffisantes ? Y en a-t-il de meilleures que d’autres ? Difficile de trancher, mais nous ne pouvons qu’encourager ces entreprises qui se penchent sur la question et qui agissent. Reste aussi aux consommateurs de décider eux-mêmes de la manière dont ils vont voyager ces prochaines années.
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